Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC)

La loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire, communément appelée loi AGEC, représente une transformation majeure dans l'approche française de la production et de la consommation. Adoptée le 10 février 2020, cette législation ambitieuse vise à transformer notre modèle économique linéaire "produire, consommer, jeter" en un système circulaire plus durable qui préserve les ressources naturelles, la biodiversité et le climat.

Structure et calendrier de mise en œuvre

La loi AGEC s'articule autour de 130 articles qui définissent un cadre juridique précis et progressif13. Son application s'étale sur plusieurs périodes, avec des objectifs intermédiaires définis par tranches de cinq ans :
  • 2021 à 2025 : premières mesures et objectifs à court terme
  • 2025 à 2030 : renforcement des objectifs
  • 2030 à 2035 : consolidation des pratiques
  • 2035 à 2040 : finalisation de la transition23
Cette approche graduelle permet aux différents acteurs économiques de s'adapter progressivement aux nouvelles exigences tout en garantissant des avancées concrètes à chaque étape.

Les cinq axes fondamentaux de la loi AGEC

1
Sortir du plastique jetable
L'un des objectifs phares de la loi AGEC est l'élimination progressive des emballages plastiques à usage unique d'ici 20402. Cette transition s'articule autour de plusieurs mesures concrètes :
  • Fixation d'un objectif de 100% de plastique recyclé d'ici 20252
  • Interdiction progressive de certains plastiques à usage unique comme les pailles et les couverts2
  • Suppression des emballages plastiques pour certains fruits et légumes frais3
  • Interdiction de la distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les entreprises3
  • Promotion de solutions alternatives comme le vrac, les emballages réutilisables ou compostables3
La loi vise également à augmenter la part des emballages réemployés, avec des objectifs de 5% d'emballages réemployés mis sur le marché en France en 2023 et 10% en 20271.
2
Mieux informer les consommateurs
La transparence envers les consommateurs constitue le deuxième pilier de la loi AGEC. L'objectif est de permettre aux citoyens d'avoir accès à des informations claires sur l'impact environnemental des produits qu'ils consomment34. Cela se traduit par :
  • L'obligation d'afficher les qualités environnementales des produits (taux de matière recyclée, recyclabilité, présence de substances dangereuses)3
  • La généralisation du logo Triman qui indique qu'un produit est recyclable3
  • La mise en place d'un affichage environnemental ou environnemental et social sur certains produits6
  • Des informations sur la garantie légale de conformité des produits3
Le décret n°2022-748, publié le 29 avril 2022, encadre notamment les allégations environnementales des entreprises pour éviter le "greenwashing" et garantir une information fiable11.
3
Lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire
La lutte contre toutes les formes de gaspillage constitue le troisième axe majeur de la loi13. Depuis le 1er janvier 2022, il est notamment interdit de détruire les invendus non-alimentaires, qu'il s'agisse de textiles, d'équipements électroniques, de meubles ou de produits cosmétiques16. Les entreprises doivent privilégier le don ou le recyclage de ces biens. Autres mesures importantes :
  • Renforcement des sanctions pour les entreprises détruisant des denrées alimentaires invendues3
  • Objectif de réduction du gaspillage alimentaire de 50% d'ici 2025 dans la distribution et la restauration collective3
  • Création de fonds dédiés au financement du réemploi et de la réutilisation, destinés à aider les recycleries et ressourceries4
  • Fin de l'impression automatique des tickets de caisse, avec proposition d'un reçu papier ou dématérialisé34
4
Agir contre l'obsolescence programmée
Pour allonger la durée de vie des produits et lutter contre l'obsolescence programmée, la loi AGEC introduit plusieurs dispositifs innovants :
  • La mise en place d'un indice de réparabilité pour les produits électriques et électroniques, prévu pour 2025414
  • L'encouragement à la réparation et à la réutilisation des produits314
  • L'obligation pour les fabricants de fournir des pièces détachées pendant une durée minimale3
  • Des mesures visant à faciliter la réparation des produits pour prolonger leur durée de vie14
À partir de 2025, une mesure spécifique concernera également les lave-linges neufs qui devront être équipés de filtres à microfibres pour réduire la pollution plastique lors du lavage5.
5
Mieux produire
  • Élargissement du principe de "pollueur-payeur" avec la mise en place de la Responsabilité Élargie du Producteur (REP) pour de nouvelles filières47
  • Création d'un système de bonus-malus pour les fabricants : plus le produit est respectueux de l'environnement, moins la cotisation à l'éco-organisme est importante9
  • Obligation pour les filières REP d'établir tous les 5 ans un plan d'action pour l'écoconception de leurs produits9
  • Obligation d'intégrer de plus en plus de matières recyclées dans les produits9
  • Mise en place du tri à la source des biodéchets pour tous (particuliers et entreprises)3
L'économie circulaire au cœur de la commande publique
La loi AGEC fait de la commande publique un levier de transformation vers une économie plus durable, avec l'article 58 qui oblige les acheteurs publics à acquérir des produits issus du réemploi ou contenant des matières recyclées1. Cela représente un enjeu considérable, puisque plus de 160 milliards d'euros sont dépensés chaque année par le biais de la commande publique1. Par exemple :
  • 20% de téléphones reconditionnés et 20% intégrant de la matière recyclée par an
  • 20% de meubles de bureau de seconde main et 15% intégrant de la matière recyclée par an
  • 5% d'articles et équipements sportifs de seconde main et 20% contenant de la matière recyclée par an1
Impact sectoriel et exemples de mise en œuvre
La loi AGEC impacte de nombreux secteurs économiques qui doivent adapter leurs pratiques :
  • L'industrie du packaging doit intégrer des critères de réemployabilité et de recyclabilité dans la conception des emballages8
  • Le secteur agroalimentaire doit réduire le gaspillage et optimiser la gestion des invendus1013
  • L'industrie textile doit revoir ses allégations environnementales et améliorer la traçabilité de ses produits11
  • Les entreprises B2B et B2C doivent réévaluer leurs chaînes d'approvisionnement et leurs processus de production12
Plusieurs entreprises ont déjà adopté des démarches d'économie circulaire conformes à l'esprit de la loi AGEC :
  • Patagonia avec son programme Worn Wear qui encourage la réparation et la réutilisation des vêtements15
  • H&M qui propose un programme de collecte de vêtements usagés pour recyclage15
  • Interface qui a mis en place un processus de fabrication en circuit fermé pour ses dalles de moquette15

Conclusion : Un modèle de transition écologique

La loi AGEC représente une approche ambitieuse et structurée pour transformer l'économie française. Elle vise à instaurer un nouveau modèle où les déchets deviennent des ressources, où les produits sont conçus pour durer et où l'information des consommateurs permet des choix plus responsables. Bien que certains objectifs restent difficiles à atteindre (comme le montre l'augmentation de 3,3% du plastique à usage unique entre 2018 et 2021, alors que la loi prévoit une réduction de 20% pour 20259), la loi AGEC constitue un cadre juridique complet pour accélérer la transition vers une économie circulaire en France.

En définitive, cette loi ne se contente pas d'établir des interdictions, mais propose une vision systémique pour repenser notre rapport à la production et à la consommation, avec l'ambition de créer 230 000 emplois supplémentaires dans les secteurs de l'économie circulaire9.
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